
Comment inspecter mes propres actions ?
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Avez-vous déjà ressenti cette étrange sensation de ne pas savoir pourquoi vous réagissez d'une certaine manière face à une situation ? Ou peut-être avez-vous déjà été surpris lorsque quelqu'un a pointé une qualité en vous que vous n'aviez jamais remarquée ?
Cette difficulté à observer et comprendre nos propres actions n'est pas rare. Selon une étude menée par l'Université de Chicago en 2022, 78% des adultes éprouvent des difficultés significatives à identifier leurs talents naturels et leurs modes de fonctionnement inconscients.
Ce phénomène, loin d'être anodin, constitue l'un des principaux obstacles à notre développement personnel et professionnel. Dans cet article, nous explorerons les raisons profondes qui rendent si difficile l'inspection de nos propres actions, et comment cette compréhension peut nous ouvrir la voie vers une meilleure connaissance de nous-mêmes.
L'inspection de nos propres actions va bien au-delà d'une simple analyse de nos comportements quotidiens. Il s'agit d'un processus d'observation profonde qui nous permet d'identifier les schémas récurrents dans notre façon d'agir, de réagir et d'interagir avec le monde. Cette démarche introspective consiste à porter un regard conscient sur ces automatismes qui, la plupart du temps, opèrent sous le radar de notre conscience.
Quand nous parlons d'inspecter nos actions, nous évoquons cette capacité à observer avec lucidité non seulement ce que nous faisons, mais surtout comment nous le faisons. Prenons l'exemple de Léonard de Vinci : s'il avait simplement considéré ses activités (peinture, ingénierie, anatomie), il n'aurait jamais identifié le fil conducteur qui traversait l'ensemble de son œuvre – sa façon unique d'observer les motifs et les connexions entre des domaines apparemment dissociés. C'est précisément cette signature personnelle, cette manière singulière d'agir, qui constitue notre véritable identité.
L'inspection de nos actions implique donc d'adopter une posture d'observateur bienveillant envers nous-mêmes, afin de détecter ces moments où nous agissons avec fluidité et aisance, ces instants où notre singularité se déploie naturellement.
L'une des raisons fondamentales qui rend si difficile l'inspection de nos propres actions réside dans notre tendance naturelle à banaliser ce qui nous paraît facile et évident. Ce phénomène psychologique, que les chercheurs en cognition appellent "l'effet de banalisation des compétences innées", nous amène à considérer comme ordinaires des capacités qui, en réalité, sont uniques et précieuses.
Pourquoi avons-nous tant de mal à reconnaître la valeur de ce qui nous vient naturellement ? Tout simplement parce que ces talents ne nous demandent aucun effort. Notre cerveau a tendance à accorder plus d'importance à ce qui nécessite un travail conscient qu'à ce qui se déploie spontanément. C'est comme si nous étions programmés pour valoriser l'effort plutôt que la fluidité.
Imaginons une personne capable de créer instantanément des liens avec les autres, de mettre à l'aise n'importe quel interlocuteur dès les premières minutes d'une rencontre. Pour elle, cette aptitude semble si normale qu'elle pourrait dire : "Je ne fais rien de spécial, je parle juste aux gens normalement." Cette personne ne réalise pas que son "normalement" est en réalité une compétence remarquable que beaucoup envieraient.
Cette banalisation nous empêche de percevoir notre véritable singularité. Nous avons tendance à nous comparer aux autres sur des critères extérieurs, sans réaliser que notre valeur unique réside précisément dans ces qualités que nous considérons comme banales.
Une autre raison majeure qui complique l'inspection de nos propres actions tient à la nature même de notre fonctionnement cérébral. La neuroscience moderne nous apprend que notre cerveau traite l'information à deux niveaux distincts : conscient et inconscient. Et la part inconsciente est véritablement colossale.
Les recherches du Dr David Eagleman, neuroscientifique à l'Université Stanford, révèlent que notre cerveau traite environ 11 millions de bits d'information par seconde, alors que notre conscience n'en perçoit qu'environ 40. C'est comme si nous n'avions accès qu'à la pointe de l'iceberg de notre propre activité mentale.
Notre manière d'agir et de réagir s'est façonnée principalement durant notre enfance et notre adolescence, entre 0 et 16 ans environ. Durant cette période, notre cerveau a créé des millions de connexions neuronales en réponse à nos expériences de vie, tant heureuses que difficiles. Ces connexions se sont progressivement spécialisées, formant des chemins privilégiés qui sont devenus nos automatismes d'action.
Le problème est que ces automatismes opèrent majoritairement dans notre inconscient cognitif, hors du champ de notre conscience. Comment pourrions-nous observer consciemment ce qui se déroule à un niveau inconscient ? C'est comme si nous voulions observer le fonctionnement interne de nos poumons lorsque nous respirons naturellement.
Pour illustrer ce phénomène, pensez à la façon dont vous marchez. Essayez de décrire précisément tous les muscles que vous activez, dans quel ordre et avec quelle intensité. C'est presque impossible, n'est-ce pas ? Pourtant, vous marchez tous les jours sans y penser. Votre inconscient cognitif gère cette action complexe avec une facilité déconcertante.
De la même manière, nos modes d'action les plus naturels, ceux qui définissent notre singularité, sont souvent les plus difficiles à observer car ils fonctionnent comme la marche : automatiquement, sans effort conscient.
Un phénomène particulièrement intéressant se manifeste lorsque nous tentons de mieux nous connaître : le regard des autres sur nos actions est généralement bien plus perspicace que notre propre perception. Ce paradoxe s'explique par une différence fondamentale de perspective.
Lorsque nous agissons, notre attention se porte principalement sur le processus intérieur – nos intentions, nos efforts, nos doutes. En revanche, les personnes qui nous entourent observent essentiellement les résultats extérieurs de nos actions. Cette différence de focus crée un décalage significatif entre notre auto-évaluation et la perception que les autres ont de nous.
Par exemple, un chef d'équipe pourrait être totalement inconscient de sa capacité exceptionnelle à désamorcer les conflits. Pour lui, il ne fait que "discuter normalement" avec ses collaborateurs. Pourtant, ses collègues remarquent systématiquement comment il parvient à transformer des situations tendues en opportunités de collaboration, une aptitude que beaucoup envient mais que le principal intéressé ne perçoit pas comme particulière.
Cette dissonance entre notre perception intérieure et les retours extérieurs peut créer une véritable confusion : comment ce qui nous semble si simple peut-il impressionner les autres ? C'est justement là que réside l'un des indices les plus précieux pour identifier nos talents uniques.
Êtes-vous souvent sollicité pour certains types d'aide ou de conseil ? Recevez-vous régulièrement des compliments pour des actions qui vous semblent banales ? Ces signaux extérieurs sont souvent les meilleurs indicateurs de nos zones de génie naturelles, celles que nous ne pouvons pas percevoir directement en raison de notre aveuglement par banalisation.
Notre cerveau est un formidable créateur d'histoires. Il élabore en permanence des récits pour donner du sens à nos expériences, construisant ce que les psychologues appellent notre "identité narrative". Cette construction, bien qu'essentielle à notre équilibre psychique, peut constituer un véritable obstacle à l'inspection lucide de nos actions.
Le concept d'identité narrative, développé par le philosophe Paul Ricœur, désigne cette tendance humaine à organiser nos expériences sous forme d'histoires cohérentes. Nous ne nous contentons pas de vivre des événements isolés ; nous les relions dans un récit global qui donne sens à notre parcours. C'est ainsi que nous construisons notre identité personnelle.
Le problème est que cette narration n'est pas neutre. Elle sélectionne, interprète et parfois déforme les événements pour les faire correspondre à l'image que nous voulons avoir de nous-mêmes ou à celle que la société attend de nous. C'est comme si nous étions à la fois l'auteur et le personnage principal d'un roman autobiographique, avec tous les biais que cela implique.
Marie Curie, malgré ses deux prix Nobel, doutait constamment de sa légitimité dans le monde scientifique. Son récit intérieur, marqué par son statut de femme dans un univers masculin, l'empêchait de reconnaître pleinement sa valeur exceptionnelle. Ce n'est que grâce à la persistance des retours extérieurs qu'elle a pu, partiellement, dépasser ce récit limitant.
Notre identité narrative peut ainsi masquer notre véritable nature lorsqu'elle s'aligne sur des attentes sociales plutôt que sur notre singularité profonde. Si vous avez grandi dans une famille où seule la réussite académique était valorisée, vous avez peut-être construit un récit personnel qui minimise vos talents naturels dans d'autres domaines, comme la créativité ou l'intelligence relationnelle.
Pour inspecter lucidement vos actions, il devient donc nécessaire d'interroger ces récits intérieurs. Quelles histoires vous racontez-vous sur vous-même ? Ces récits sont-ils réellement les vôtres ou reflètent-ils des attentes extérieures intériorisées ? La réponse à ces questions constitue une étape essentielle vers une connaissance authentique de soi.
Dès notre plus jeune âge, nous sommes façonnés par un ensemble de normes, de valeurs et d'attentes sociales qui orientent profondément notre perception de nous-mêmes. Ces conditionnements, souvent inconscients, affectent notre capacité à observer nos actions avec lucidité.
Notre société valorise certaines compétences et certains parcours plus que d'autres. L'intelligence logico-mathématique et verbale est généralement plus reconnue que l'intelligence émotionnelle ou kinesthésique. Les métiers intellectuels sont souvent mieux considérés que les métiers manuels. Ces hiérarchies implicites s'impriment en nous et colorent notre regard sur nos propres aptitudes.
Le système éducatif lui-même tend à standardiser les parcours et les compétences. Comme le soulignait Sir Ken Robinson, célèbre expert en éducation, l'école nous encourage davantage à combler nos lacunes qu'à développer nos talents naturels. Nous finissons par accorder plus d'attention à ce qui nous manque qu'à ce qui nous distingue positivement.
Ce conditionnement social a un impact profond sur notre auto-évaluation. Il nous pousse à valoriser certains aspects de notre personnalité et à en réprimer d'autres, créant une distorsion dans notre perception de nous-mêmes. Nous cherchons à correspondre à des modèles extérieurs plutôt qu'à reconnaître notre singularité.
Prenez un moment pour réfléchir : quels sont les domaines ou les activités dans lesquels vous vous êtes investi principalement pour répondre à des attentes externes ? À l'inverse, y a-t-il des activités qui vous procurent un plaisir naturel mais que vous avez négligées car elles n'étaient pas suffisamment "sérieuses" ou valorisées socialement ?
Cette prise de conscience des conditionnements qui ont façonné votre regard sur vous-même constitue une étape clé vers une inspection plus authentique de vos actions. Elle vous permet de distinguer ce qui relève véritablement de votre nature profonde et ce qui n'est qu'un vernis social.
Face à toutes ces difficultés d'auto-inspection, comment pouvons-nous accéder à une connaissance authentique de nous-mêmes ? Comment dépasser ces obstacles pour identifier notre véritable nature et l'exprimer pleinement dans notre vie professionnelle ?
La première étape consiste à développer une pratique régulière d'observation de soi. Il ne s'agit pas seulement d'analyser vos actions a posteriori, mais de cultiver une conscience témoin qui observe, sans juger, vos moments de fluidité et d'aisance. Notez ces instants où vous perdez la notion du temps, où vous agissez sans effort apparent tout en produisant des résultats remarquables.
Soyez particulièrement attentif aux retours positifs que vous recevez, surtout lorsqu'ils concernent des actions qui vous semblent banales. Demandez à votre entourage de confiance – collègues, amis, famille – ce qu'ils apprécient particulièrement dans votre façon d'agir. Leurs réponses pourraient vous surprendre et vous révéler des aspects de votre unicité que vous n'aviez jamais considérés.
Interrogez également vos récits intérieurs et les conditionnements qui les ont façonnés. Quelles croyances limitantes vous empêchent de reconnaître votre plein potentiel ? Quelles attentes extérieures avez-vous intériorisées au point de les confondre avec vos aspirations authentiques ?
Cette démarche d'introspection, bien que précieuse, peut s'avérer difficile à mener seul. C'est pourquoi les bilans de compétences représentent une aide précieuse pour ceux qui cherchent à mieux se connaître professionnellement. Cependant, un bilan de compétences classique se limite souvent à identifier des savoir-faire techniques et des aptitudes génériques, vous plaçant dans des catégories préétablies.
Pour aller plus loin et découvrir ce qui vous rend véritablement unique, le Bilan d'Excellence propose une approche différente. En utilisant la méthode MO2I (Mode Opératoire Identitaire et Itératif), ce bilan vous permet d'identifier cette zone de génie unique dans laquelle vous excellez naturellement et inconsciemment, sans vous enfermer dans des cases prédéfinies.
L'inspection de nos propres actions représente un défi complexe mais essentiel sur le chemin de la connaissance de soi. Au-delà des obstacles cognitifs et sociaux qui brouillent notre perception, cette démarche ouvre la voie à une compréhension profonde de notre singularité.
En prenant conscience des mécanismes qui nous rendent aveugles à notre propre excellence, nous posons les premières pierres d'une reconversion professionnelle authentique, alignée non pas sur des attentes extérieures, mais sur notre véritable nature.
Car la question fondamentale n'est pas "Que devrais-je faire ?" mais plutôt "Qui suis-je réellement lorsque j'agis avec fluidité et excellence ?". La réponse à cette question, loin d'être un simple exercice intellectuel, constitue la boussole qui orientera vos choix vers un épanouissement durable et une contribution unique au monde.