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4 erreurs à éviter lorsqu'on tente d'interpréter les résultats du test l'Ikigaï

Dans un monde professionnel en constante évolution, la quête de sens et d'épanouissement est devenue une préoccupation majeure.


Selon une étude menée par le cabinet Deloitte en 2023, près de 47% des personnes en reconversion professionnelle citent "le besoin de trouver un sens à leur travail" comme motivation principale de leur changement.


Face à cette quête identitaire, de nombreux outils de développement personnel ont émergé, parmi lesquels l'Ikigaï, un concept japonais devenu très populaire en Occident.

Qu'est-ce que réellement l'Ikigaï et ses limites?

L'Ikigaï (生き甲斐) est souvent présenté comme la clé universelle du bonheur professionnel. Pourtant, ce concept japonais signifiant littéralement "raison d'être" ou "joie de vivre" a été considérablement transformé lors de son adoption par la culture occidentale. Dans sa conception originelle, observée notamment sur l'île d'Okinawa – région réputée pour la longévité de ses habitants – l'Ikigaï ne désigne pas spécifiquement un équilibre professionnel, mais plutôt une philosophie de vie globale.


La version occidentalisée, que nous connaissons sous forme de diagramme de Venn à quatre cercles (ce que vous aimez, ce pour quoi vous êtes doué, ce pour quoi vous pouvez être payé, ce dont le monde a besoin), est en réalité une adaptation créée par des consultants en développement personnel. Cette transformation, bien que séduisante par sa simplicité, présente des limites importantes dans l'accompagnement d'une véritable quête identitaire.


L'Ikigaï peut constituer un premier pas vers une meilleure connaissance de soi, mais son interprétation mérite d'être nuancée. S'il permet d'initier une réflexion, il ne suffit généralement pas à identifier avec précision cette singularité qui fait de chacun un être unique et irremplaçable.


Erreur n°1 : Considérer l'Ikigaï comme une solution miracle plutôt qu'un outil de réflexion

La première erreur consiste à aborder l'Ikigaï comme une formule magique qui, une fois complétée, vous révélera instantanément votre vocation. Cette attente irréaliste mène souvent à la déception.


Imaginez Marie, cadre dans le marketing depuis 15 ans, qui ressent un profond besoin de changement. Après avoir rempli consciencieusement son diagramme d'Ikigaï, elle obtient "coach en développement personnel" comme intersection idéale. Enthousiasmée par cette révélation, elle investit dans une formation coûteuse, pour réaliser six mois plus tard que cette voie ne correspond pas à ses aspirations profondes. Que s'est-il passé?


Marie a confondu l'outil avec la destination. L'Ikigaï n'est qu'un miroir reflétant notre compréhension actuelle de nous-mêmes – une compréhension souvent superficielle lorsque nous n'avons pas mené un véritable travail d'introspection.


Pour éviter cette erreur, considérez plutôt l'Ikigaï comme le début d'une conversation avec vous-même, et non comme sa conclusion. Les réponses que vous inscrivez dans chaque cercle méritent d'être questionnées : d'où viennent-elles? Sont-elles réellement vôtres ou reflètent-elles des attentes extérieures? Persistent-elles dans le temps ou changent-elles selon les circonstances?


Prenez également conscience que notre perception de nos talents, de nos passions et même des besoins du monde évolue avec l'expérience. L'Ikigaï gagne à être revisité régulièrement, comme un compagnon de route plutôt qu'une destination finale.


Erreur n°2 : Confondre intérêts passagers et véritable excellence

La deuxième erreur majeure concerne la façon dont nous remplissons la section "ce pour quoi vous êtes doué" du diagramme. Très souvent, nous y inscrivons des compétences acquises ou des activités dans lesquelles nous nous sentons relativement à l'aise, plutôt que d'identifier notre zone de génie authentique.


Cette confusion est particulièrement répandue chez les personnes polyvalentes. Prenons l'exemple de Thomas, ingénieur reconverti en chef de projet, qui excelle également dans la photographie amateur. En complétant son Ikigaï, il hésite : doit-il mentionner ses compétences techniques, ses talents de coordination d'équipe, ou sa sensibilité artistique? Face à cette multiplicité, il risque soit de tout inclure (diluant ainsi la pertinence de l'exercice), soit de privilégier ses compétences les plus valorisées socialement ou financièrement.


Or, notre véritable zone de génie se manifeste souvent de façon subtile. Elle ne correspond pas nécessairement à ce que nous faisons le mieux selon des critères objectifs, mais plutôt à cette manière d'agir singulière qui nous est si naturelle que nous n'en percevons même pas la valeur. C'est ce que le philosophe Matthew Crawford appelle notre "signature cognitive" – cette façon unique d'appréhender le monde et d'y contribuer.


Pour mieux identifier cette excellence naturelle, observez plutôt ces moments où vous perdez la notion du temps, où vous agissez avec une fluidité déconcertante, où votre intervention produit des résultats qui surprennent même les experts. Interrogez également votre entourage sur ce qu'ils trouvent remarquable chez vous – souvent, les autres perçoivent mieux notre singularité que nous-mêmes.

Erreur n°3 : Se limiter aux catégories prédéfinies de l'Ikigaï

La troisième erreur commune consiste à rester prisonnier des quatre catégories standardisées du modèle. Cette structure, bien que séduisante par sa symétrie, peut nous empêcher d'explorer des aspects plus nuancés et personnels de notre identité professionnelle.


Le philosophe Martin Buber disait que "chaque personne née dans ce monde représente quelque chose de nouveau, quelque chose qui n'a jamais existé auparavant". Cette unicité fondamentale peut difficilement se réduire à quatre cercles génériques. En tentant de faire entrer notre singularité dans ces cases prédéfinies, nous risquons de passer à côté de dimensions essentielles de notre être.


Prenons l'exemple de Sophie, ancienne juriste qui, après avoir complété son Ikigaï, s'est retrouvée bloquée car son intuition profonde – travailler avec les énergies subtiles – ne correspondait à aucune des catégories traditionnelles. Ce n'était ni une compétence reconnue (elle débutait), ni quelque chose pour lequel elle pouvait facilement être rémunérée, et pourtant, cette voie représentait pour elle une véritable vocation.


Pour dépasser cette limitation, enrichissez votre réflexion avec des questions complémentaires :


Ces questions ouvrent des perspectives que les quatre cercles de l'Ikigaï ne peuvent capturer à eux seuls.


Erreur n°4 : Négliger l'aspect itératif et évolutif de la découverte de soi

La quatrième erreur fondamentale réside dans l'approche statique de l'Ikigaï. Nombreux sont ceux qui remplissent ce diagramme une fois pour toutes, comme s'il s'agissait d'un document définitif révélant une vérité immuable.


Cette conception figée ignore une réalité essentielle : nous sommes des êtres en perpétuelle évolution. Notre rapport au monde, nos aspirations et même nos talents se transforment au fil des expériences. La neuroplasticité de notre cerveau nous permet de développer de nouvelles compétences tout au long de notre vie, tandis que nos valeurs se raffinent avec la maturité.


Le poète Antonio Machado l'exprimait magnifiquement : "Voyageur, le chemin n'existe pas, il se fait en marchant." De même, notre vocation n'est pas une destination fixe qui nous attend quelque part, mais un chemin qui se dessine progressivement à mesure que nous avançons.


Dans cette perspective, l'Ikigaï gagne à être revisité régulièrement, comme un journal de bord accompagnant notre évolution plutôt que comme une carte définitive. Chaque nouvelle expérience, chaque rencontre significative, chaque défi surmonté peut modifier notre perception de ce qui constitue notre "raison d'être".


Comment intégrer cette dimension évolutive? Prenez l'habitude de réexaminer votre Ikigaï après chaque expérience marquante. Observez quels éléments restent constants et lesquels évoluent. Cette pratique permet de distinguer les aspirations passagères des inclinations plus profondes et durables qui constituent véritablement votre singularité.


Au-delà de l'Ikigaï : vers une connaissance de soi plus profonde

Si l'Ikigaï constitue une première approche intéressante, il existe des démarches plus approfondies pour identifier votre singularité professionnelle. La connaissance de soi authentique nécessite d'explorer plusieurs dimensions souvent négligées dans les outils standardisés.


La première dimension concerne notre manière unique d'appréhender le monde. Chacun perçoit, analyse et traite l'information différemment. Certains sont particulièrement sensibles aux incohérences logiques, d'autres captent instantanément les dynamiques émotionnelles d'un groupe, d'autres encore possèdent une vision systémique naturelle. Ces "méta-compétences" – souvent invisibles car totalement intégrées à notre fonctionnement – constituent pourtant le cœur de notre singularité.


La deuxième dimension porte sur nos contextes déclencheurs – ces situations spécifiques qui éveillent en nous un désir irrésistible d'agir et d'apporter notre contribution. Contrairement à l'idée reçue, ce n'est pas tant le domaine d'activité qui détermine notre épanouissement, mais plutôt le type de problématiques que nous sommes naturellement enclins à résoudre.


Pour explorer ces dimensions plus subtiles, prenez le temps d'observer vos moments d'excellence spontanée. Quand avez-vous brillé sans effort particulier? Dans quelles circonstances les autres vous sollicitent-ils naturellement? Ces indices révèlent souvent cette zone de génie unique qui vous distingue.


Cette quête approfondie de connaissance de soi trouve un cadre structuré dans le Bilan d'Excellence, une approche qui dépasse les limites des bilans de compétences traditionnels. En explorant votre mode opératoire naturel et singulier, vous découvrez cette "signature" unique qui fait de vous un être irremplaçable, ouvrant ainsi la voie vers un projet professionnel véritablement sur-mesure.


Conclusion

Explorer sa vocation professionnelle va bien au-delà de compléter un diagramme, aussi inspirant soit-il. Cette recherche représente un véritable voyage intérieur, nécessitant patience, ouverture et profondeur. En évitant les pièges d'une interprétation simpliste de l'Ikigaï, vous vous donnez la chance de découvrir cette singularité qui fait de vous un être unique et irremplaçable.


La véritable question n'est peut-être pas "quelle est ma place idéale?" mais plutôt "quelle est cette contribution singulière que je suis le seul à pouvoir apporter au monde?". Cette perspective plus profonde ouvre un champ d'exploration passionnant, où chaque expérience devient une occasion de mieux vous connaître et de vous rapprocher de ce chemin qui n'appartient qu'à vous.

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